La théorie des situations didactiques Le cours de Montréal 1997
Résumé détaillé   Partie A- La modélisation des situations à usage didactique
Il s‘agit de rassembler un certain nombre de concepts introduits depuis quelques annĂ©es dĂ©jĂ , et de les organiser de façon Ă les faire apparaĂźtre comme des Ă©lĂ©ments d‘une thĂ©orie.
La mĂ©thode d‘exposition choisie est assez lente car elle fait dĂ©pendre l’introduction de chaque concept nouveau de trois problĂ©matiques distinctes.
La premiĂšre problĂ©matique est celle de la pertinence. Il s’agit d’abord de dĂ©crire un certain type de relations humaines de façon Ă faire apparaĂźtre les concepts de didactiÂque comme des moyens utiles Ă cette description. Les nouveaux exemples que la communautĂ© des didacticiens accumule depuis dix ans ont permis de montrer » des phĂ©nomĂšnes de didactique ; le vieillissement, les effets du contrat…, mais ces « observations » apparaĂźtraient comme, soit excessivement banales, soit tout Ă fait Ă©tranges et singuliĂšres, si elles n‘Ă©taient pas articulĂ©es les unes par rapport aux autres jusqu‘Ă donner une vĂ©ritable mĂ©thode d’analyse de tout phĂ©nomĂšne d‘enseignement.
Cette lecture relĂšve d‘une deuxiĂšme problĂ©matique, celle de l‘exhaustiÂvitĂ©. Il s’agit de faire en sorte que tous les phĂ©nomĂšnes pertinents puissent ĂȘtre pris en considĂ©ration.
La troisiĂšme problĂ©matique est celle de la consistance ; c‘est peut-ĂȘtre la plus nouvelle car, si les professeurs, dans l‘exercice de leur profession, utilisent des concepts pertinents qui tendent Ă permettre de traiter tous les cas, ils n’assurent pas â ils n’ont pas Ă assurer â la charge de consistance de ces concepts.
Le chapitre 1 a esquissĂ© les objets des Ă©tudes de Didactique : la description et l’explication des activitĂ©s liĂ©es Ă la communication des savoirs et les transformations, intentionnelles ou non, des protagonistes de cette communicaÂtion, ainsi que les transformations du savoir lui-mĂȘme.
Le chapitre 2 examine quelques phĂ©nomĂšnes liĂ©s Ă l‘activitĂ© d‘enseignement (effet « Topaze » ., effet » Jourdain »., glissement mĂ©tadidactique, usage abusif, de l‘analogie, vieillissement des situations). Ce sont les phĂ©nomĂšnes qui se produisent lors de l’activitĂ© d‘enseignement qui dĂ©terminent le champ Ă thĂ©oriser et non l‘activitĂ© elle-mĂȘme.
Le chapitre 3 Ă©tudie alors comment regrouper et hiĂ©rarchiser la multitude des conditions Ă Ă©tudier. Il s’agit d’abord de simplifier suffisamment les preÂmiĂšres approches pour, d‘une part, isoler certaines catĂ©gories de faits explicaÂbles ensemble de façon Ă peu prĂšs indĂ©pendante et d‘autre part, permettre la mise en Ă©vidence des interactions essentielles et les processus.
Ce texte opĂšre un renversement par rapport Ă la tendance classique qui consiste Ă Ă©tudier indĂ©pendamment les sous-systĂšmes du systĂšme didactique : l‘enseignĂ©, l‘enseignant, le milieu, relativement Ă un savoir, puis Ă tenter de dĂ©river de ces Ă©tudes des comportements Ă©ducatifs ou d’apprentissage.
Dans le chapitre 3, c‘est le systĂšme entier qui est pris d‘emblĂ©e comme objet d‘Ă©tude et le dĂ©coupage se fait en hyposystĂšmes que nous appelons « situations ». Cette Ă©tude permet la mise en lumiĂšre, dans le chapitre 4, d’un certain nombre de paradoxes qui constituent, en fait, les pierres de touÂche de toute thĂ©orisation des phĂ©nomĂšnes didactiques. Ces paradoxes condamnent l‘enseignement Ă ĂȘtre un processus, une didactique et non pas seuÂlement une interaction de systĂšmes.
A ce moment, il apparaĂźt deux voies d’Ă©tudes : celles des contraintes exterÂnes qui pĂšsent sur ces processus, celles des contraintes internes. Le chapitre 5 s’engage dans l‘Ă©tude des contraintes internes : il s’agit de modĂ©liser par des jeux formels ces rapports locaux qui s‘Ă©tablissent entre les protagonistes, puis d‘utiliser ces modĂ©lisations pour une approche systĂ©mique dans laquelle les chaĂźnes d‘Ă©vĂ©nements nĂ©cessaires sont confrontĂ©es aux chaĂźnes d‘Ă©vĂ©nements observĂ©s.
Bien que probablement la plus discutable, cette voie nous a paru la plus utile actuellement dans la perspective d‘une production effective d‘ingĂ©nierie et de mĂ©thodes d‘observation.
Le chapitre .6 prĂ©sente alors les Ă©lĂ©ments fondamentaux de l‘Ă©tude des situations : les types de situations a-didactiques (action, formulation, validaÂtion).
Partie B- La théorie des situations didactiques
Il sâagit dâune tentative de modĂ©lisation de lâenseignement. Les obligations rĂ©ciproques et les ressources des protagonistes de lâenseignement peuvent ĂȘtre conçues comme obĂ©issant Ă une sorte de contrat. La croyance en lâeffectivitĂ© des engagements dĂ©terminĂ©s par ces « contrats » est indispensable pour le dĂ©roulement de lâaction dâenseigner. Ce chapitre prĂ©sente donc trois Ă©tudes :
La premiĂšre Ă©tude est celle des contrats, logiquement dĂ©duits de la rĂ©partition des responsabilitĂ©s et de lâorganisation des enseignements qui en dĂ©coulent. Elle fournit une classification des observations empiriques des relations didactiques. Elles sont rĂ©pertoriĂ©es dans le paragraphe 2 (Les diffusions de connaissance sans intention didactique : Le contrat d’Ă©mission, Le contrat de communication, le contrat dâexpertise, le contrat de production.) et dans le paragraphe 3 (Les contrats faiblement didactiques, portant sur un savoir ânouveauâ pour lâĂ©lĂšve : Le contrat dâinformation – Dialectique vs dogmatique-, lâorganisation « axiomatique » de lâinformation et ses consĂ©quences, le contrat d’utilisation des connaissances, le contrat dâinitiation ou de contrĂŽle, le contrat dâinstruction ou de direction dâĂ©tudes).
La deuxiĂšme Ă©tude est une Ă©tude thĂ©orique du contrat didactique. AprĂšs avoir distinguĂ© les contrats dâenseignement et le contrat didactique, le texte relĂšve quelques uns des paradoxes du contrat didactique et il conclut Ă lâinsuffisance inĂ©luctable de tous les contrats Ă rĂ©pondre à tous les Ă©checs. Le contrat didactique est une illusion, mais une illusion nĂ©cessaire.
La troisiĂšme Ă©tude est une approche expĂ©rimentale de lâĂ©tude thĂ©orique prĂ©cĂ©dente. Lâexistence dâun contrat implicite est montrĂ©e par lâexpĂ©rience dite de LâĂąge du capitaine : Le contrat didactique « impose » Ă lâĂ©lĂšve des rĂ©ponses auxquelles il ne croit pas.
Quelles sont les consĂ©quences de la mĂ©prise gĂ©nĂ©rale sur la possibilitĂ© dâun contrat didactique vĂ©ritable ? Il faut substituer aux modĂšles « rationnels » Ă©tudiĂ©s dans la premiĂšre Ă©tude une modĂ©lisation basĂ©e sur lâobservation des pratiques des professeurs. Que se passe-t-il quand un Ă©chec est constatĂ©Â ? Le contrat didactique exige que le professeur maintienne autant que possible la relation didactique pour tenter dâamĂ©liorer la situation. Les procĂ©dĂ©s recensĂ©s sont nombreux (L’effet Topaze et le contrĂŽle de l’incertitude, lâeffet â Jourdain â ou le malentendu fondamental, les glissements â mĂ©ta cognitif â et â mĂ©ta didactique et la permĂ©abilitĂ© didactique, l‘usage abusif de l’analogie, le vieillissement des situations d’enseignement, lâĂ©miettement des savoirs, lâindividualisation). Ils forment un systĂšme exhaustif de dĂ©cisions dont aucune nâest universellement, ni adĂ©quate ni inappropriĂ©e.
Partie C- Les situations didactiques : composantes et stratégies
Cette partie analyse les composantes essentielles du contrat didactique, et la conduite par le professeur des leçons et des situations qui les composent.
1. La premiĂšre composante est la dĂ©volution. Câest lâacte par lequel le professeur se dĂ©fait de sa responsabilitĂ© « cognitive » dans lâĂ©volution de la situation et conduit lâĂ©lĂšve Ă lâaccepter, dans des conditions oĂč pourtant il ignore encore ce quâil convient de faire. Cette dĂ©volution ne va pas de soi, comme le montre lâexemple dâune ingĂ©nierie de dĂ©volution pour la recherche du terme inconnu dâune somme avec des Ă©lĂšves de 7 ou 8 ans. La dĂ©volution est un acte didactique et non pas uniquement psychologique ou mĂȘme pĂ©dagogique, en ce sens quâelle dĂ©pend des connaissances en jeu.
2. Lâautre composante est lâinstitutionnalisation, lâacte par lequel le professeur (lui seul peut le faire) transforme des connaissances assez bien acquises et suffisamment partagĂ©es dans lâensemble des Ă©lĂšves en des rĂ©fĂ©rences convenues et reconnues (des « savoirs ». Lâapprentissage formel classique pourrait nâĂȘtre que le complĂ©ment dâune activitĂ© gĂ©nĂ©rale dâacculturation collective des Ă©lĂšves qui, si elle a du succĂšs, soulage dâautant leurs efforts et deux de leurs professeurs.
3. LâĂ©tude des stratĂ©gies « fortement didactiques » portant sur un savoir ânouveauâ reprend le schĂ©ma dâanalyse initial (Le contrat dâimitation ou de reproduction formelle, le contrat d’ostension, le contrat de conditionnement, la maĂŻeutique socratique, les contrats dâapprentissages empiristes, les contrats constructivistes.
4. Ce paragraphe pointe la nĂ©cessitĂ© dâune Ă©tude (en cours) de la transformation des savoirs âanciensâ et met en Ă©vidence les effets dâune « mĂ©moire didactique » et dâun « temps didactique » comme Ă©lĂ©ments essentiels du dĂ©roulement des suites de situations. Le compte rendu de ces recherches figurera sans doute dans une synthĂšse future des travaux sur les curriculums, absente de ce cours.
5. Les effets des rĂ©formes Ă long terme. Ce paragraphe est aussi une premiĂšre incursion dans un autre domaine de la didactique en dĂ©veloppement rapide : lâĂ©tude des phĂ©nomĂšnes relatifs Ă la diffusion dâune connaissance prĂ©cise qui implique les grands secteurs des sociĂ©tĂ©s. Lâindividualisation de lâenseignement est une des consĂ©quences nĂ©gatives dâun ensemble dâerreurs scientifiques en matiĂšre dâĂ©ducation et de psychologie cognitive. La croyance en lâeffectivitĂ© dâun contrat didactique, en la validitĂ© des thĂ©ories classiques de lâapprentissage individuel dans les relations didactiques et lâimportation dâun modĂšle commercial de management (objectifs, Ă©valuations de masse, sanctions) ont une influence trĂšs nĂ©gatives sur lâenseignement.
Mots clés : Didactique des mathématiques, théorie des situations, fondements
Titre de lâarticle : La thĂ©orie des situations didactiques
Auteurs et titres ou laboratoire Ă lâĂ©poque de la publication :
Guy Brousseau ; LADIST Université Bordeaux 1
Langue du texte : Français
Date de production : 1997
Nombre de pages : 56
Nature du texte : conférence
Diffusion : internationale
Publication : texte original non publié
Laboratoire actuel: DAESL ; Laboratoire Cultures, Education, Sociétés (LACES)
Université Bordeaux 2.
Référence HAL
Commentaires :
1. Historique
Ce texte est celui dâun cours prĂ©sentĂ© Ă lâUniversitĂ© de MontrĂ©al en 1997, lors de la collation du doctorat Honoris Causa de son auteur.
Le cĆur de la thĂ©orie des situations didactiques en mathĂ©matiques annoncĂ©e par Guy Brousseau en 1970 est lâobjet dâun chapitre de sa thĂšse (1986) Ce texte est repris avec de lĂ©gĂšres modifications successives dans lâarticle de 1986 [BROUSSEAU G. (1986). « Fondements et mĂ©thodes de la didactique des mathĂ©matiques », Recherches en didactique des MathĂ©matiques, vol 7.2 pp 33-115. La pensĂ©e sauvage. Grenoble[1]], dans ans lâouvrage en Anglais organisĂ© par Nicolas Balacheff, Martin Cooper, Rosamund Sutherland et Virginia Warfield, [Guy Brousseau (1997), theory of didactical situations in mathematics, Kluwer. Et dans la version française du prĂ©cĂ©dent : Guy Brousseau (1998), « La thĂ©ories des situations didactiques », La pensĂ©e sauvage.
Il est remanié et augmenté dans le cours de Sao Paolo (2009 non publié), puis dans le cours 2010-11 en cours de présentation sur ce sur le site guy-brouseau.com
2. Composition
Ce cours Montréal 97 est composé de trois grandes parties
La premiĂšre partie traite de la modĂ©lisation des « situations Ă usage didactique », en fait aujourdâhui lâauteur  parle de « situations mathĂ©matiques isolĂ©es ». La deuxiĂšme partie sâintitule « La thĂ©orie des situations didactiques en mathĂ©matiques ». La troisiĂšme partie « Les situations didactiques : composantes et stratĂ©gies ».
3. perspectives pour le cours 2010
Ce cours (confĂ©rence de 1997) reste une rĂ©fĂ©rence trĂšs importante et rĂ©pandue, qui peut ĂȘtre utile Ă la lecture du cours 2010
On y trouve en particulier pour la premiÚre fois, un inventaire des contrats réels illustrant la théorie du contrat didactique.
Cependant nây sont pas Ă©voquĂ©s : par exemple la conduite des situations, des leçons, et des curriculums par le professeur, les modalitĂ©s de lâĂ©valuation des leçons et des curriculums, la dĂ©pendance (formelle, mathĂ©matique, poĂŻĂ©tiqueâŠ), entre les apprentissages et entre les situations âŠ
Toutefois ce cours 1997 nâĂ©voque aucun des grands travaux dâingĂ©nierie sur les principaux concepts mathĂ©matiques de la scolaritĂ© commune (les diffĂ©rents types de Nombres, la Logique le formalisme et lâĂ©pistĂ©mologie scolaires, la GĂ©omĂ©trie, la Statistique et les ProbabilitĂ©sâŠ) produits entre 1970 et 1990, qui ont accompagnĂ© ces travaux.
Il dĂ©laisse les observations mĂ©thodologiques (sur lâenseignement des mathĂ©matiques, sur la recherche associĂ©e aux thĂ©ories des situationsâŠ) et notamment les apports du COREM Ă lâobservation des pratiques de classes).
Il dĂ©laisse lâĂ©tude des rĂšgles Ă©thiques, celle de lâenseignement de celles, distinctes, de la recherche etc.
Il ignore la mĂ©thodologie de la recherche : lâorganisation et la pratique des observations et des expĂ©riences, les mĂ©thodes dâanalyseâŠÂ lacunes que le cours de 2010-11 tentera de combler
De nombreux chercheurs ont nourri et sont venus enrichir le noyau prĂ©sentĂ© ici. Leurs apports devront ĂȘtre joints ou rĂ©fĂ©rencĂ©s. Lâorganisation gĂ©nĂ©rale ne sâest guĂšre modifiĂ©e mais des dĂ©nominations plus claires se sont rĂ©vĂ©lĂ©es plus adĂ©quates pour distinguer les thĂ©ories des situations qui relĂšvent de modĂšles et dâobjets par trop distincts : La thĂ©orie des situations a-didactiques objet de la premiĂšre partie de ce cours est devenue la « thĂ©orie des situations mathĂ©matiques », distincte de la « thĂ©orie des situations didactiques en mathĂ©matiques  ». LâĂ©tude du fonctionnement des systĂšmes sociaux et culturels de diffusion des connaissances mathĂ©matiques est devenue la macrodidactique qui sâouvre aux questions de sociĂ©tĂ© et dâanthropologie.
Nota Bene
Les relations de ces travaux avec les nombreux autres issus de lâĂ©cole française (notamment avec ceux dâY. Chevallard), ou dâautres Ă©coles devraient ĂȘtre enfin Ă©tablis bientĂŽt : le Cours (2010-11) devrait combler une partie (faible hĂ©las je le crains) de ces lacunes.
Pour lire ou enregistrer le fichier  TSDM Le cours de MONTREAL 1997
[1] Ce texte est aussi le chapitre 3 de la ThĂšse dâĂ©tat de BROUSSEAU G. (1986), ThĂ©orisation des phĂ©nomĂšnes dâEnseignement des MathĂ©matiques Directeur : B. Malgrange ; UniversitĂ© Bordeaux 1,