Dossier n°8. Premiers pas de la Didactique 1970 2. Les avatars du diagramme de Venn
Dossier n° 8
Les premiers pas de la Didactique
2. Les avatars du diagramme de Venn
Présentation des dossiers 7 et 8
Les dossiers 7 et 8 visent Ă rappeler quelques uns des problĂšmes soulevĂ©s par lâutilisation du concept dâ« ensemble », comme moyen dâexpression, comme moyen dâĂ©tude (de la logique par exemple) et comme objet dâenseignement Ă lâĂ©cole primaire et au collĂšge.
Ils rassemblent donc quelques documents de travail typiques, choisis parmi ceux diffusĂ©s par lâIREM de Bordeaux entre 1970 et 1974 Ă lâintention des enseignants du primaire et de leurs formateurs. Chacun prĂ©sente lâexposĂ© dâune question de mathĂ©matique et conjugue une partie sous une forme quasi mathĂ©matique, accompagnĂ© de remarques destinĂ©es plutĂŽt aux formateurs quâaux enseignants, et le plus souvent Ă©crites dans un langage plus ou moins imagĂ© bien que destinĂ© Ă des lecteurs adultes et Ă©voquant Ă©ventuellement des activitĂ©s dâĂ©lĂšves. Lâusage de ce vocabulaire par des Ă©lĂšves (de niveau plus ou moins dĂ©termine) est envisagĂ© Ă propos de situations Ă©voquĂ©es et discutĂ©es de façon sporadique mais spĂ©cifique. ..
Des notions de linguistique, de logique, de psychologie, de pĂ©dagogie ou dâautres plus ou moins connues de lâauditoire, surgissent Ă lâoccasion dâune façon qui semble incongrue auprĂšs des uns ou des autres. La complexitĂ© de la cible rend ces textes illisibles pour la plupart des auditoires (ils nâont pas Ă©tĂ© publiĂ©s et pourtant ils ont Ă©tĂ© trĂšs rĂ©pandus.
Nous avons choisi ces textes pour faire voir lâĂ©volution rapide des conceptions relatives Ă lâenseignement de ces questions sous lâeffet des recherches, des observations et des expĂ©rimentations.
Le dossier 8 est plus prĂ©cisĂ©ment consacrĂ© Ă montrer que dĂšs sa crĂ©ation lâIREM a mis Ă lâĂ©tude lâemploi des diagrammes (de type Venn ou autres). Il en a signalĂ© les difficultĂ©s et les dangers. Puis il les a proscrits comme modĂšles explicites de la logique et comme objet dâenseignement. Les inconvĂ©nients ne peuvent pas ĂȘtre Ă©cartĂ©s si ces diagrammes sont considĂ©rĂ©s comme lâobjet dâun enseignement classique (avec description dĂ©nomination, explications etc.) car le modĂšle est faux et conduit alors Ă des phĂ©nomĂšnes dĂ©nommĂ©s quelques annĂ©es plus tard « glissement mĂ©ta ».
Lâutilisation des diagrammes nâest possible que comme moyen non verbal (comme connaissance) dans des situations dâaction. Cette possibilitĂ© est dĂ©montrĂ©e dans le premier dossier (voir P(E), oĂč on voit lâĂ©tude dâune situation permettant Ă des Ă©lĂšves de CM2 de construire et dâutiliser le formalisme de lâalgĂšbre de Boole.
LâĂ©volution a Ă©tĂ© rapide tous ces textes ont Ă©tĂ© publiĂ©s en 1970.
Composition du dossier n° 8
Le dossier 8 est centrĂ© sur un objet prĂ©cis : lâutilisation du diagramme de Venn. A mesure que les souvenirs des faits sâestompaient, la contre-rĂ©forme, aprĂšs les invectives et les affirmations pĂ©remptoires, utilisait le fameux « tricercle » emblĂ©matique pour montrer doctement aux nĂ©ophytes, la prĂ©tendue sottise des rĂ©formateurs. Il sâagit ici de montrer ⊠la vĂ©ritĂ©.
a) Du diagramme de Venn aux courbes de Peano article de Lucienne FĂ©lix 1970 et sa version Anglaise (sous lâonglet Lucienne FĂ©lix)
b) Organigrammes et classifications [EEM n°6 1970 et 30Leçons 1970 (29 p)]
c) Logique fonctionnelle [FM1970 Ch 17 (23 p)]
d) Relations et opĂ©rations dans lâensemble des parties dâun ensemble [FM 1970 ch 16 (11p)]
Il est lui aussi accompagné de commentaires
a) Les étapes de la critique du « tricercle » de Venn
Le lecteur pourra vĂ©rifier que dĂšs la crĂ©ation de lâIREM nous avons informĂ© les professeurs sur les insuffisances et les limites de lâusage de cette mĂ©taphore, nous avons cherchĂ© Ă la combattre par divers procĂ©dĂ©s avant dâen recommander lâabandon dĂšs la fin de 1970. Il pourra vĂ©rifier les six Ă©tapes qui ont amenĂ© les didacticiens Ă Ă©tudier les effets de ce genre de phĂ©nomĂšnes (glissement et obstacles)
Lâusage de mĂ©taphores et de mauvais modĂšles nâest pas rare en mathĂ©matique mais il est tempĂ©rĂ© par lâusage et par la doxa sinon par le logos. Lâerreur des responsables et des enseignants a Ă©tĂ© de traiter comme du savoir mathĂ©matique un instrument qui devait rester une connaissance. Malheureusement lâusage des connaissances est prĂ©cocement Ă©touffĂ© par une dĂ©rive bureaucratique : lâenseignement strictement limitĂ© aux savoirs, exigĂ©Â par lâĂ©pistĂ©mologie primitive et quasi religieuse dâune sociĂ©tĂ© qui nâa toujours pas de science de lâinstruction.
Les documents du dossier « Avatars du diagramme de Venn »
Document a Du diagramme de Venn aux courbes de Peano, article de Lucienne FĂ©lix (1970) et sa version Anglaise (sous lâonglet Lucienne FĂ©lix)
From Venn Diagrams to Peano Curves Des diagrammes de Venn aux courbes de Peano Lucienne Félix
publiĂ© en Anglais dans » Mathematics Teaching, » the Bulletin of the Association of Teachers of Mathematics No. 50, Spring, 1970.
et en Français, dans les Cahiers de lâenseignement Ă©lĂ©mentaire de lâIREM de Bordeaux n° 2  (1970)
Résumé .
Lucienne FĂ©lix commence par dĂ©finir avec prĂ©cision ce quâelle appelle un Diagramme de Venn. Elle se rĂ©fĂšre Ă la logique et prĂ©cise quâelle distinguera des « ensembles fondamentaux et les ensembles engendrĂ©s par ces ensembles fondamentaux. Elle prĂ©cise les conditions que doit satisfaire une reprĂ©sentation pour n ensembles fondamentaux. Il sâagit ensuite de dĂ©terminer une mĂ©thode qui permette de construire un diagramme de Venn comportant les rĂ©gions dĂ©terminĂ©es par n+1 ensembles fondamentaux. Elle construit pour cela une ligne qui coupe en deux chacune des rĂ©gions dĂ©terminĂ©es par les n ensembles gĂ©nĂ©rateurs. Elle construit une numĂ©rotation binaire des parties construites qui permettent de dĂ©montrer que cette ligne peut ĂȘtre fermĂ©e et quâelle satisfait les conditions pour reprĂ©senter les 2n+1 parties engendrĂ©es par n+1 gĂ©nĂ©rateurs. La disposition obtenue est celle dâun « diagramme en pavage» qui envahit le plan, ou qui au contraire fragmente une figure en pavĂ©s semblables de plus en plus petits (rectangles, trianglesâŠ).
Lucienne FĂ©lix sâintĂ©resse alors au mĂȘme problĂšme : partager en deux toutes les parties dâune figure de rang n par une ligne fermĂ©e, mais cette ligne ne gĂ©nĂšre pas le pavage suivant (dont le nombre des rĂ©gions est 3n+1). Cette ligne est une courbe de Peano qui, Ă la limite, atteint tous les points intĂ©rieurs de la figure de base.
Dans un dernier paragraphe Lucienne FĂ©lix met en perspective les contributions de Peano, de Hilbert et de Cantor Ă ce sujet.
Commentaire
Cet article est republiĂ© dans le dossier sur « les ensembles Ă lâĂ©cole primaire et les avatars du diagramme de Venn ». Il montre sur quelles bases mathĂ©matiques reposaient les rĂ©flexions pĂ©dagogiques du genre de celles qui font lâobjet de dossier.
Ce texte nâĂ©tait pas lisible par des instituteurs et il nâapportait guĂšre aux professeurs de mathĂ©matiques que lâoccasion de « faire un peu de mathĂ©matiques étranges», mais les indications pĂ©dagogiques quâils pouvaient en tirer se bornaient Ă voir le genre de dessins qui permettaient de reprĂ©senter des ensembles, cependant il ne disait pas Ă quelle occasion – Ă moins de prendre le texte lui-mĂȘme comme objet dâenseignementâŠÂ !-.
Les textes destinĂ©s Ă la formation des professeurs que nous prĂ©sentons aussi dans ce dossier auraient pu ĂȘtre lus – peut-ĂȘtre – par des instituteurs, mais ils ne lâĂ©taient pas parce que ces derniers ne comprenaient pas ce quâils pouvaient en tirer pour leur travail, dans leur classe.
Nos propositions de leçons et dâexercices, eux, pouvaient ĂȘtre lus et compris par les professeurs. Mais les conditions dâusage et les contresens Ă Ă©viter ne pouvaient pas ĂȘtre infĂ©rĂ©s de ces seuls exercices, mĂȘme avec une bonne connaissance du discours mathĂ©matique possible, car il fallait tenir compte dâun imbroglio de conditions linguistiques psychologiques et culturelles. Et les raisons pour lesquelles la comprĂ©hension naĂŻve qui dĂ©coulait de toutes ces impossibilitĂ©s, de tous ces malentendus et de toutes ces incomprĂ©hensions ne permettaient pas de diriger de façon convenable leur apprentissage par les Ă©lĂšves.
Lire ou télécharger le document   from Venn Diagrams to Peano Curves
Lire ou télécharger le document Du diagramme de Venn aux Courbes de Peano
Document b
Organigrammes et classifications
Ce texte de 29 pages figure sous ma signature dans deux publications internes de lâIREM:
Enseignement Elémentaire des Mathématiques n° 6 (avril1970) et (IREM de Bordeaux 1970)
Documents de travail pour la formation des maßtres : 30 leçons du CP au CM (IREM de Bordeaux 1970) (ouvrage collectif)
Résumé
Le texte est destinĂ© aux formateurs et aux maĂźtres dâapplication. Il commence par une fiche de leçon pour CE: Parmi vingt poupĂ©es (dessinĂ©es) les Ă©lĂšves doivent trouver deux poupĂ©es portant exactement les mĂȘmes vĂȘtements. But, organisation de la classe, stratĂ©gies des Ă©lĂšves, questions de langage.
Le commentaire est une étude des différents types de diagrammes : objets mathématiques signifiés, éléments de sémiologie graphique,
Suivi dâune Ă©tude des possibilitĂ©s de reprĂ©sentation graphiques des objets mathĂ©matiques fondamentaux : Ă©lĂ©ments, couples, relations, appartenance, diagrammes, arbres, triplets,
Etude des mĂ©tagraphes de relations : reprĂ©sentations oĂč les couples sont reprĂ©sentĂ©s par des points⊠(cartĂ©sien, polaire, matricielle), fonctions de deux variables.
La conclusion signale que ces graphes sont destinĂ©s Ă ĂȘtre utilisĂ©s de façon opportuniste et fluide, dans lâargumentation, plutĂŽt que comme des objets formels.
Commentaire
Pour comprendre la place que tient cette Ă©tude dans les activitĂ©s de lâĂ©poque, il faut la replacer par rapport au projet dâensemble de la constitution du COREM.
Il sâagit dâappuyer ou sinon dâencadrer lâobservation et la rĂ©alisation de situations dâenseignement par les connaissances scientifiques de lâĂ©poque. Les questions de sĂ©miologie sont au cĆur du projet de mise en place chez les Ă©lĂšves dâune connaissance de la logique permettant dâappuyer lâenseignement prĂ©coce des mathĂ©matiques. Les diagrammes sont supposĂ©s permettre dâĂ©conomiser les lourdes analyses en langue naturelle et le succĂšs de certaines situations dâenseignement « non verbales » laissent espĂ©rer que lâon puisse directement enseigner les structures fondamentales indĂ©pendamment du langage (ce qui ne veut pas dire sans parler ! les Ă©lĂšves peuvent utiliser les mots courants, la situation doit faire Ă©carter les interprĂ©tations et les acceptions parasites.
Ce projet va rĂ©ussir « en laboratoire » au COREM, mais il va Ă©chouer dans lâenseignement rĂ©el parce que, dâune part, les contraintes sur les situations sont ignorĂ©es (ou Ă©chappent Ă cause dâun manque de consistance thĂ©orique) et que dâautre part, les pratiques dâenseignement fondent traditionnellement tout sur le langage et sur lâenseignement des textes.
Lire ou télécharger le document organigrammes et classifications_1970
Document c :
Logique fonctionnelle
Ce texte de 23 pages constitue le chapitre 17 de lâouvrage : Guy Brousseau « MathĂ©matiques pour lâenseignement Ă©lĂ©mentaire » Formation des maĂźtres, tome 1 IREM de Bordeaux 1970-71  (FM1970ch17)
Résumé
Le chapitre prĂ©cĂ©dent (16) est un exposĂ© axiomatique et formel de la thĂ©orie des ensembles. Il conclut les chapitres oĂč sont tentĂ©es des introductions Ă la fois familiĂšres, didactiques, et graphiques illustrĂ©es de schĂ©mas de leçons. Le chapitre 17 lâutilise pour proposer un vocabulaire appropriĂ©, non plus aux propositions, mais aux « fonctions propositionnelles » (prĂ©dicats). Les termes de logique et de thĂ©orie des ensembles sont mis en correspondance conjonction avec intersection, disjonction avec rĂ©union, implication et inclusion, nĂ©gation et complĂ©mentaire⊠Les opĂ©rations logiques sont assorties de dĂ©finitions, de conditions satisfaites, de rĂ©fĂ©rences et de corrections du vocabulaire usuel, de nuances. La premiĂšre partie sâachĂšve par lâexplication des lois de Morgan.
La deuxiĂšme partie Ă©tudie les reprĂ©sentations graphiques des parties dâun ensemble. Elle comprend une prĂ©sentation des graphes « de Venn » ou de Caroll, accompagnĂ©e de propositions « pĂ©dagogiques » de certains auteurs cĂ©lĂšbres (G. Papy, W. Servais,âŠ) qui, pressĂ©s par leur Ă©diteurs, tentaient dâĂ©chapper aux contradictions inhĂ©rentes Ă la reprĂ©sentation des ensembles par des rĂ©gions du plan. PlutĂŽt pour souligner que pour rĂ©parer une dĂ©faillance irrĂ©mĂ©diable de cette reprĂ©sentation, je propose sans conviction dâintroduire une flĂšche de circulation le long des frontiĂšres des rĂ©gions pour en distinguer lâintĂ©rieur de lâextĂ©rieur (cette idĂ©e nâĂ©tait probablement pas originale, elle Ă©tait en tout cas inutilisable). Le texte se termine par quelques remarques et idĂ©es, et quelques erreurs.
Commentaire
Le lecteur peut ĂȘtre intĂ©ressĂ© Ă relever la maladresse avec laquelle deux erreurs commises par les Ă©lĂšves sont rapportĂ©es et soi-disant expliquĂ©es. Eviter de confondre lâinclusion et lâappartenance nâest pas si simple que les trois lignes le laissent supposer. Câest tout le problĂšme que Russell a signalĂ© avec son paradoxe du barbier et quâil a dĂ» lever avec son axiome de lâĂ©chelle des types. Aujourdâhui, il existe des thĂ©ories ou un ensemble peut ĂȘtre Ă©lĂ©ment de lui-mĂȘme⊠La confusion a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©e par François Pluvinage de lâIREM de Strasbourg. Les Ă©lĂšves rĂ©pondent correctement Ă un type particulier de questions du genre « complĂ©tez avec le signe convenable » une formule du genre : c ⊠{a, d, c, i} ou {a, b} âŠ{c, b, e, a}. Une observation plus attentive montre quâils Ă©vitent des erreurs dans ce genre prĂ©cis dâexercice en construisant une « sous comprĂ©hension » : LâĂ©lĂšve Ă©crit « Ă » ou « Ă » suivant quâil y a des accolades des deux cĂŽtĂ© du signe ou non. Ensuite il raye le signe Ăou Ă si ce qui est Ă gauche du pointillĂ© ne figure pas Ă droite. Cette forme de connaissance nâest Ă©videmment dâaucun secours dans des reprĂ©sentations diffĂ©rentes.
La deuxiĂšme erreur est abordĂ©e de façon tout aussi naĂŻve « les Ă©lĂšves remontent les implications ». Il apparaĂźtra que les Ă©lĂšves ne remontent pas Ă©galement (au hasard) toutes les implications, et que par consĂ©quent, toute explication gĂ©nĂ©rale qui se limiterait seulement au champ de la logique serait disqualifiĂ©e. Il reste que le langage joue probablement un rĂŽle important lui aussi, comme dans les confusions entre une classe dâĂ©quivalence et ses Ă©lĂ©ments (fractions et rationnels par ex.)
Lire ou télécharger le document  logique fonctionnelle FM1971
Document d: Relations et opĂ©rations dans lâensemble des parties dâun ensemble [FM 1970 ch 16 (11p)]
Ce texte est un projet d’exposĂ© axiomatique et formalisĂ©. Il Ă©tait destinĂ© aux formateurs pour structurer les thĂ©orĂšmes avec lesquels ils pouvaient graduer les exercices proposĂ©s aux instituteurs. Le projet Ă©tait de commencer Ă vĂ©rifier ces thĂ©orĂšmes en les illustrant avec les diagrammes de Venn, puis de les Ă©tablir par le calcul et la dĂ©monstration formelle. La prĂ©sentation de ce texte dans la brochure originale de 1970 est dĂ©jĂ trĂšs dĂ©fectueuses : plusieurs textes semblent avoir Ă©tĂ© mal coupĂ©s et collĂ©s!! Il lui Ă©tait joint un tableau permettant de comparer les propriĂ©tĂ©s de la structure mathĂ©matique et celle de sa reprĂ©sentation par des diagrammes pour y relever les contradictions. Ce tableau n’a pas Ă©tĂ© reproduit dans la brochure de 1970. Je l’ai reconstituĂ© d’aprĂšs des notes de l’Ă©poque.
Pour lire le document de travail « Relations et opĂ©rations dans P(E) 71 » s’adresser Ă l’auteur . Pour lire le document de travail « diagramme de Venn RĂ©sumĂ© des propriĂ©tĂ©s«  s’adresser Ă l’auteur
Notes sur le dossier « Avatars du diagramme de Venn » 2011
La Logique, les ensembles et les reprĂ©sentations iconiques ou formelles Ă lâĂ©cole
Cette introduction nâĂ©tait pas aussi facile que le laissait croire lâoptimisme des Ă©diteurs et des promoteurs de la rĂ©forme. Les bases de lâusage traditionnel du langage mathĂ©matique nâĂ©taient pas plus solides que les fondements logiques de la thĂ©orie naĂŻve des ensembles. Les objets Ă©taient joyeusement confondus avec leur dĂ©nomination, les ensembles avec les Ă©lĂ©ments, un Ă©lĂ©ment gĂ©nĂ©rique avec un Ă©lĂ©ment. Le mĂ©talangage ou mĂȘme le discours mathĂ©matique Ă©tait confondu avec le langage lui-mĂȘme et ses objets⊠Des Ă©quivalences se formulaient par Ă©galitĂ©s et vice versa au point que le signe Ă©gal dĂ©signait une relation gĂ©nĂ©ralement non symĂ©trique etc. Les raisonnements logiques se noyaient dans un ocĂ©an de moyens rhĂ©toriques incertains ou franchement douteuxâŠ
Mais nous ne connaissions pas les piĂšges cachĂ©s sous le manteau respectable des pratiques traditionnelles. Nous allions dĂ©couvrir que les abus (anciens ou nouveaux) qui marchent entre élĂšves complaisants et maĂźtres subtils sâeffondraient entre les mains excessivement pointilleuses ou autoritaires des partenaires consciencieux.
La didactique est nĂ©e des leçons que nous avons tirĂ©es de ces affrontements. Lâenseignement des mathĂ©matiques suivant les anciennes mĂ©thodes a donnĂ© les meilleurs de ses rĂ©sultats dans une configuration sociale et culturelle bien prĂ©cise. Il ne sera pas amĂ©liorĂ© par des incantations magiques ni par des brutalitĂ©s. Le prix Ă payer pour modifier les conceptions Ă©pistĂ©mologiques, psychologiques, et surtout didactiques et mathĂ©matiques des enseignants est trop lourd pour une sociĂ©tĂ© qui nâest mĂȘme pas capable dâachever la rĂ©forme dâune numĂ©ration orale dĂ©jĂ rĂ©ussie dans un bon tiers du territoire francophone.
Mais me direz vous, alors pourquoi nous encombrer avec un dossier sur cette question obsolĂšte de lâusage du diagramme de Venn dans les classes. La cause est entendue. Pourquoi ces vestiges  de la didactique balbutiante nous intĂ©resseraient-ils ?
Parce quâil nâest pas inutile de tirer les leçons de nos expĂ©riences et parce que les problĂšmes qui y sont discutĂ©s sâinscrivent dans une longue histoire quâil pourrait ĂȘtre utile de connaĂźtre aujourdâhui.
Nous nous bornerons aujourdâhui Ă commenter un des aspects de ces textes.
Le goĂ»t des reprĂ©sentations iconiques nâest pas mort, et le formalisme a toujours son utilitĂ©. Quâavons-nous appris Ă ce sujet de nos aventures des annĂ©es 70 ? Il me semble que la chape de plomb qui sâest abattue sur la saga des mathĂ©matiques modernes est si lourde que personne ne se hasarde Ă la soulever. Aucun historien, aucun anthropologue, aucun sĂ©miologue, aucun logicien, aucun mathĂ©maticien et a fortiori aucun didacticien ne sây aventure. Câest pourtant au cĆur de ce mouvement que la didactique des mathĂ©matiques a pris naissance. Alors nâayons pas peur de faire face Ă nos erreurs sâil y en a eu. Commençons par des tĂ©moignages modestes mais attaquons nous au symbole lui-mĂȘme : « les trois cercles de Venn ».
Pour ne pas se laisser distraire par lâimportance du contexte il faut rester concentrĂ©s sur lâhistoire dâun objet. Ce sera le « diagramme de Venn.
Mon histoire personnelle avec ce symbole connaßt sept étapes :
Les Ă©tapes de lâusage des diagrammes de Venn
PremiĂšre Ă©tape : lâhĂ©ritage
Pendant la premiĂšre Ă©tape, le diagramme de Venn vit une vie relativement modeste comme symbole le plus populaire des travaux de Venn. Mais il Ă©merge au moment oĂč se pose la question dâenseigner la logique aux jeunes Ă©lĂšves.
Câest lâĂ©tat dont tĂ©moigne lâarticle de Lucienne FĂ©lix. Il est important de noter quâil prouve quâĂ cette Ă©poque (1970), on ne considĂ©rait pas le schĂ©ma comme le prĂ©sente aujourdâhui WikipĂ©dia (sous la forme dâun « tricercle » nu). Il est toujours contenu dans un ensemble, appelĂ© parfois âuniversâ ou ârĂ©fĂ©rentielâ, de sorte que les ensembles reprĂ©sentĂ©s sont des parties de cet ensemble. Ainsi on peut utiliser lâalgĂšbre de Boole sans contradictions. De plus, les cercles sont remplaçables Ă tout moment par des rĂ©gions du plan de forme assez variable (homĂ©omorphes dâun cercle, disons avec Papy, des patates, les ensembles gĂ©nĂ©rĂ©s par les ensembles de base sont des rĂ©unions de patates (des sacs de patates ?) !! Tous ces diagrammes sâappellent « de Venn ». Plus tard il dâautres dispositions Ă©quivalentes issues de divers secteurs dâactivitĂ©s (Ă©lectricitĂ©…) ont nourri les mĂ©talangages de ce mĂ©talangage de la logique. DĂ©jĂ le tricercle nâest plus quâun sigle rĂ©pandu dans les pĂ©riodiques populaires pour montrer une intersection et une rĂ©union et un symbole de modernitĂ©.
DeuxiÚme étape : la voie sémiologique et les propositions didactiques naïves
Ma premiĂšre aventure avec le diagramme va consister Ă essayer dâexpliquer aux professeurs qui viennent Ă lâIREM sâinformer sur les nouvelles conceptions de lâenseignement des mathĂ©matiques, dans quelles circonstances ils peuvent sâen servir et avec quelles prĂ©cautions prophylactiques.
En effet ce genre de figures joue son rĂŽle si on les utilise sans les expliquer. PrĂ©venir les difficultĂ©s qui peuvent apparaĂźtre au cours de lâusage de ce diagramme est bien plus long Ă expliquer quâĂ comprendre.
Je pensais quâon pouvait utiliser ces moyens iconiques, mais Ă la condition de nâavoir pas besoin de les formuler et de les expliquer. Je cherchais Ă obtenir cet effet par des leçons « non verbales », elles aussi bien plus compliquĂ©es Ă dĂ©crire et a fortiori Ă expliquer quâĂ faire. Je lâavais fait dans mon ouvrage[1]. Câest pourquoi je reproduis dans ce dossier quelques documents qui montrent que jâai cru Ă la possibilitĂ© de communiquer facilement cet artifice. MalgrĂ© ces avertissement l’usage des diagrammes est Ă©voquĂ© comme un procĂ©dĂ© envisageable dans le document du dossier 8 : DĂ©signation des parties d’un ensemble.
TroisiÚme étape : les aides, les issues de secours
Le lecteur peut observer que je prĂ©sentais dĂ©jĂ toute une liste de piĂšges possibles et de conseils pour les Ă©viter. (voir dans ce dossier le document « logique fonctionnelle). La liste des conventions sâallonge et leur insuffisance est clairement signalĂ©e. Nous proposons alors de multiplier les reprĂ©sentations de formes et de types diffĂ©rents (arbres, tableaux,âŠ) afin de suggĂ©rer lâidĂ©e de ce quâelles ont en commun et dâeffacer le plus possible lâinfluence de chacune de ces images particuliĂšres. Chacune de ces formes a des avantages et des dĂ©fauts propres. ConsĂ©quence, la thĂ©orie de lâapprentissage par abstraction Ă partir dâexemples « concrets » particuliers devient suspecte (En fait le modĂšle des diagrammes est erronĂ©).
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QuatriĂšme Ă©tape : Lâutilisation comme milieu dans des situations dâaction
Il est important dâenseigner les opĂ©rations logiques comme des fonctions, pas comme des objets. Alors ne pourrait-on pas enseigner ces fonctions en les dĂ©signant par leur Ă©criture formelle. Nous avons fait cette expĂ©rience au cours moyen (lire « P(E), les leçons » dans le dossier n°8). Conclusion : on peut ! Les enfants trouvaient amusant lâusage de ce langage quâils employaient et expliquaient avec une certaine aisance. Il ne sâagissait en aucun cas de fixer ces apprentissages (ce que nous appellerons plus tard institutionnaliser). Mais cette expĂ©rience ouvrait une voie que nous allions exploiter par la suite.
CinquiÚme étape : La critique ouverte, la cause est entendue
Il est indispensable de signaler aux professeurs pourquoi le diagramme ne peut pas ĂȘtre un objet dâenseignement pour la manipulation des parties dâun ensemble. La mise en correspondance naĂŻve des propositions (ou des prĂ©dicats) avec des parties du plan ne peut quâĂȘtre intuitive et assez limitĂ©e ou impossible si on veut la justifier. Elle ne peut pas ĂȘtre une reprĂ©sentation au sens mathĂ©matique. Il vaut mieux abandonner la dĂ©fense de ce moyen iconique, mais ce sont les bases mĂ©thodologiques et Ă©pistĂ©mologiques de lâenseignement des mathĂ©matiques quâil aurait fallu incriminer. Ce sont les diffusions des mathĂ©matiques par trop confiantes dans la raison et le mĂ©tier des professeurs. Les meilleurs auteurs nâavaient pas prĂ©vu lâacharnement des Ă©diteurs Ă vouloir des textes ou tout devait ĂȘtre Ă©crit, codifiĂ©, enseignĂ©âŠ
SixiÚme étape : La découverte de la récursivité métadidactique
Le phĂ©nomĂšne qui consiste Ă faire dâun moyen dâenseignement, un objet dâenseignement est frĂ©quent (dans lâenseignement). Il est parfois utile. Et quand il nâest pas utile, il nâest pas toujours nĂ©gatif. Son dĂ©faut câest dâĂȘtre un « processus rĂ©cursif ». Pour rĂ©parer lâĂ©chec dâun enseignement, on lâexplique, puis on enseigne lâexplication, si cette tentative Ă©choue on explique son Ă©chec et on enseigne sa correction. Le phĂ©nomĂšne se produit au niveau du professeur dans une classe, mais aussi au niveau beaucoup plus large de la sociĂ©tĂ© ⊠et dans le cas qui nous intĂ©resse : la modĂ©lisation de la logique nous en trouvons 6 niveaux de rĂ©gression mĂ©tadidactique :
La logique est représentée par une théorie des ensembles,
Laquelle est représentée par une théorie naïve des ensembles
Laquelle trouve une métaphore dans les diagrammes de type Venn
Lesquels nécessitent un métalangage spécifique (cercle ou patate, intérieur, lien,
Dont lâusage appelle des explications, des conventions propres
Sur lequel se greffent des représentations secondaires (flÚches, boucles)
Lesquelles font lâobjet de descriptions de mĂ©taphoresâŠ
Mais dâautres phĂ©nomĂšnes observĂ©s relĂšvent eux aussi de cet effet :
Avec dâautres innovations graphiques, par exemple les flĂšches. Dans notre expĂ©rience sur les rationnels et les dĂ©cimaux, nous avons pris de grandes prĂ©cautions pour Ă©viter ce phĂ©nomĂšne, malgrĂ© un usage intense, jamais le professeur nâa commentĂ© une mauvaise utilisation des graphes autrement quâen les corrigeant sans commentaire.
SeptiÚme étape :  La généralité du phénomÚne de glissements méta didactiques
LâĂ©tude des mĂ©thodes de rĂ©solution des problĂšmes, lorsquâelle aboutit Ă dĂ©velopper un enseignement de lâheuristique, est un glissement mĂ©tadidactique. Il en existe dâautres exemples. Les glissements sont des phĂ©nomĂšnes robustes. La tentation est incoercible. Ses seules limites sont le temps disponible.
Le glissement mĂ©tadidactique fait partie dâun Ă©ventail de rĂ©ponses possibles aux « échecs » dont dispose la didactique pratique classique, qui sont toutes rĂ©cursives, comme lâĂ©miettement des objectifs ou lâeffet Topaze. Combien dâannĂ©es faudra-t-il pour rendre possible un dĂ©bat sur les mĂ©faits de la didactique ancienne ? (un dossier est en prĂ©paration sur ce thĂšme
Conclusions
Le diagramme de Venn a effectivement servi dâemblĂšme dans les mĂ©dias des annĂ©es 65-75 pour promouvoir une rĂ©forme dâune toute autre importance. Et Ă©videmment, par consĂ©quent, il a ensuite servi pour la discrĂ©diter.
Il est certain que des auteurs se sont prĂ©cipitĂ©s pour exploiter le courant, en se fondant, comme câĂ©tait lâhabitude, sur des interprĂ©tations au premier degrĂ©, auxquelles les mathĂ©maticiens consentaient (devaient consentir) Ă cause de lâignorance gĂ©nĂ©rale des conditions de la transposition didactique rĂ©elle.
Mais les rĂ©actions Ă ces abus ont Ă©tĂ© fortes dĂšs que les IREM ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©s. Elles ont Ă©tĂ© une motivation puissante pour faire avancer les rĂ©flexions qui allaient prĂ©sider Ă lâĂ©mergence de la Didactique des MathĂ©matiques.
[1] Guy Brousseau, Les mathématiques du cours préparatoire » DUNOD, 1965.