Nom et prénom :
BLOCH Isabelle
Profil de l’adhérent :
BLOCH Isabelle
Titre de la thèse :

QUELQUES APPORTS DE LA THEORIE DES SITUATIONS A LA DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES DANS LE SECONDAIRE ET SUPERIEUR
email :

isabelle.bloch@aquitaine.iufm.fr
Etablissement :
Université Paris VII
Période :
2005
Type de thèse :
Habilitation
Lien vers un site externe :

http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-0001…
Résumé :

QUELQUES APPORTS DE LA THEORIE DES SITUATIONS A LA DIDACTIQUE DES MATHEMATIQUES DANS L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE ET SUPERIEUR

Contribution à l’étude et à l’évolution de quelques concepts issus de la théorie des situations didactiques en didactique des mathématiques

Le travail de recherche que nous avons entrepris depuis quelques années, se décline dans deux directions qui peuvent sembler assez peu voisines : l’enseignement des premiers concepts de l’analyse, de la fin du secondaire au début du supérieur, et l’enseignement spécialisé, particulièrement l’enseignement dans les sections SEGPA (Sections d’enseignement général et professionnel adapté) de collège.

Le point de rencontre de ces deux thèmes est la réflexion sur la Théorie des Situations Didactiques (TSD), couplée au souci d’éprouver les outils de la TSD et de faire évoluer la théorie tout en la confrontant à la contingence ; et ceci même dans un double domaine – l’enseignement secondaire, l’enseignement spécialisé – qui n’est pas celui de son origine.
En effet, la TSD a été très largement pensée, au départ, à travers et pour l’enseignement primaire. Le fait de chercher à l’utiliser pour l’enseignement secondaire, voire supérieur, et dans l’enseignement spécialisé, et d’en utiliser les caractéristiques scientifiques pour mener une étude de l’enseignement à ces niveaux, mène à des questionnements sur ses éléments constituants, et sur la nécessité de certains concepts et leur articulation. Cet élargissement de la théorie va donc conduire à mettre à l’épreuve certains de ses éléments structurants. Ceci revient à dire qu’essayer de mettre en oeuvre la TSD, dans un contexte différent, ne peut se faire sans un travail sur les concepts de la théorie.

Ainsi par exemple, le concept d’a-didacticité est un des fondements de la TSD et a été construit en même temps que les situations fondamentales du niveau primaire, puis précisé dans la théorie. Les situations présentées au départ comme fonctionnant de façon « quasi isolée » ont été définies ensuite de façon plus rigoureuse ainsi que le rôle du professeur dans ces situations (Margolinas 2002, Bloch 1999). Au niveau secondaire ou supérieur ce fonctionnement doit être questionné : les modalités que prend, dans l’enseignement primaire, la réalisation de situations a-didactiques doivent se trouver objets d’enquête dès lors que les conditions d’enseignement des mathématiques sont différentes – dans un sens à préciser.

Questionner l’a-didacticité ne peut se faire sans s’interroger sur les modes de validation que les élèves ont à leur disposition lors d’une situation ; et le schéma action – formulation – validation – institutionnalisation doit être ré-interrogé dans l’enseignement secondaire ou supérieur à partir des conditions spécifiques rencontrées et de leur analyse

De même les difficultés rencontrées dans l’organisation et la gestion de situations mettant en jeu un savoir complexe conduisent à reprendre la notion de situation à dimension a-didactique que Mercier avait introduite (Mercier 1995, Bloch 1999). La didactique des mathématiques est une science de certaines des activités humaines, celles qui sont spécifiques de l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques.
En ce sens il est clair qu’est nécessaire, pour l’exercer, une maîtrise des mathématiques à un niveau bien supérieur au niveau que l’on prétend étudier. Cette maîtrise s’exprime dans la construction de situations fondamentales, construction qui prend en charge la dimension épistémologique du savoir mathématique. Mais cette enquête épistémologique, si elle est indispensable, ne saurait rendre compte à elle seule de ce qui est possible dans l’enseignement des mathématiques ; de ce qui est contraint par l’institution, les manuels, l’idée sociale des mathématiques ; de ce qui est viable pour l’élève, du point de vue cognitif ; de ce qui est réalisable, du point de vue du professeur et des contraintes précédemment évoquées –

Il s’ensuit que les problèmes et les questions de l’enseignement sont abordés de différents points de vue, avec des approches diversifiées, tenant compte du fait que la transposition didactique est à l’oeuvre dès la déclaration d’un savoir savant (Cf. Dorier 2000). La didactique des mathématiques se veut une approche scientifique des questions d’enseignement. Le XXème siècle a montré des avancées majeures dans la considération des sciences expérimentales et humaines, avancées qui d’une certaine façon contribuent à rapprocher les paradigmes d’étude dans ces deux domaines. Ainsi dans les sciences expérimentales, l’observation et la quantification de phénomènes physiques ne peuvent plus être considérées comme des données objectivement interprétables dans une seule théorie, ce qui contribue à relativiser les phénomènes physiques et à les rapporter obligatoirement au modèle qui permet de les interpréter. Conjointement, les sciences relatives aux activités humaines se sont dégagées de leur origine philosophique et se sont dotées elles aussi de modèles certes plus ou moins mathématisés. Ces modèles permettent néanmoins de ne plus les considérer comme de pures spéculations intellectuelles non sous tendues par des théories scientifiques, mais comme des domaines de la connaissance s’appuyant sur des théories falsifiables.

On s’appuiera donc sur une méthodologie du travail en didactique des mathématiques, incluant des théories et modèles, et des concepts présidant à la construction des modèles et des théories. Notons qu’une telle méthodologie globale n’existe pas dans ce champ de recherche, ainsi qu’il a été souligné plus haut. Il y a des méthodologies locales, suivant le type de question qui est examiné. Dans nos recherches, notre ambition a été d’apporter quelques éléments pertinents au développement de cette (ces) méthodologie, par un retour théorique sur certains des concepts existants, et par l’apport d’outils pertinents issus d’autres problématiques. Nous discuterons ainsi dans ce texte la cohérence des outils, ceux existants et ceux que nous souhaitons introduire. Notre conception consiste à considérer comme premier le problème posé, puis d’en déduire les moyens d’attaque de l’étude ; enfin de vérifier les résultats dans une recherche de cohérence. L’usage de méthodologies locales ou diverses n’est ainsi pas à confondre avec un opportunisme non contrôlé des méthodes suivant le phénomène empirique considéré ; mais elle évite un autre écueil qui serait de faire une étude en TSD ou une étude dans la Théorie anthropologique du didactique, c’est-à-dire de fixer par avance le cadre théorique exclusif avec lequel étudier une série de questions ou de phénomènes : ce n’est pas à la théorie choisie de déterminer les questions pertinentes sur le champ de recherche, mais bien plutôt, des questions issues de ce champ de recherche vont être examinées avec les théories qui seront nécessaires à leur modélisation, prévision… Les phénomènes d’enseignement sont d’une complexité telle, qu’il apparaît illusoire de vouloir en rendre compte dans un seul paradigme théorique. Par ailleurs le fait de recourir à des théories de champs différents (comme la TSD et la sémiotique) renforce l’étude s’il advient que les résultats issus de ces théories s’étayent mutuellement et contribuent à une meilleure compréhension des phénomènes étudiés. Finalement on aura donc une méthodologie de la construction de situations, et des théories de l’enseignement / apprentissage plus ou moins étendues : du local (la TSD) au plus global (la TAD). Ces théories permettent de traiter les problèmes identifiés ; mais elles sont aussi à la source de questions de recherche, qui seront traitées avec ces mêmes outils théoriques, ou qui nécessiteront des constructions théoriques additionnelles. Dans une étude de didactique il peut donc y avoir donc plusieurs dimensions :

On peut définir les théories qui vont servir à modéliser les phénomènes que l’on souhaite étudier ; c’est un travail de définition des concepts du champ de recherche, auquel cas, il faut mener une étude de pertinence, de consistance et de cohérence des concepts à utiliser ;

On peut ajouter des dimensions estimées manquantes à des théories existantes, quitte à justifier que ces nouveaux outils sont nécessaires, et qu’ils permettent de capter des phénomènes nouveaux par rapport à ce que permettaient les anciens outils ;

On peut se servir des concepts de didactique existants pour étudier des organisations mathématiques, ou des phénomènes didactiques – ce qui suppose qu’on a auparavant défini ces concepts, et que les modèles existants permettent d’identifier les phénomènes en jeu ; et ceci suppose aussi que le positionnement épistémologique a été défini pour le(s) concept(s) en jeu ;

– On peut étudier l’adéquation des concepts aux phénomènes empiriques ;

– On peut enfin, se servir, sans plus ample justification, d’outils théoriques éprouvés pour recueillir des observables, tenter d’en rendre compte et de les interpréter : montrer en quoi ces observables sont explicatifs de quelque chose dans la réalité didactique étudiée.

En dernière analyse, la théorie ne fonctionne pas pour son propre développement mais pour l’étude de l’enseignement des mathématiques ; donc la pierre de touche de l’utilité des concepts est bien évidemment leur capacité à permettre de saisir des phénomènes de construction de curriculums, d’élaboration de situations relatives à un concept mathématique donné, d’observation du travail du professeur et des élèves lors de séances de mathématiques –

La théorie est donc reliée de façon forte à l’épistémologie des mathématiques (cf. Dorier, 2000) et les formes de l’étude didactique dépendent aussi des contenus mathématiques eux-mêmes, dans les différents contextes dans lesquels nous les rencontrons. Dans notre principal paradigme de recherche – la Théorie des Situations Didactiques – il sera donc nécessaire d’éprouver les concepts utilisés ou introduits, à la fois du côté théorique de la didactique, et par confrontation à la contingence, c’est-à-dire à la réalité de l’enseignement, dans les dimensions où nous prétendons les observer : l’enseignement spécialisé et l’enseignement des notions de l’analyse à l’articulation secondaire/supérieur. Cette réalité comporte ici, comme nous l’avons montré dans le cours à la XIème Ecole d’Eté de Didactique des Mathématiques, (Bloch 2002) deux volets : un volet épistémologique/cognitif et un volet didactique. Par ailleurs, la didactique des mathématiques tente parfois de trouver appui sur des disciplines vues comme connexes, comme l’ergonomie, l’anthropologie, la psychologie, la linguistique – La complexité du champ à explorer le rend impossible à appréhender par une seule organisation théorique, ainsi que dit plus haut – ni par une seule organisation théorique interne à la didactique. Parmi les champs théoriques envisageables dans l’étude de la transmission du savoir mathématique, celui de la sémiotique est incontournable du fait de la nature même des objets mathématiques ; nous avons étudié les registres de représentation sémiotiques disponibles pour l’enseignement de la notion de fonction.

Notre présente recherche veut aller plus loin en tentant de caractériser la façon dont les signes symboliques sont utilisés dans l’enseignement, et perçus par les élèves, dans le cadre de leurs connaissances disponibles. Par rapport aux théories classiques des signes – linguistiques générales, théories du signifié et du signifiant, cf. également les travaux de Radford, Godino, Steinbring – la sémiotique générale proposée par Peirce est tout particulièrement intéressante, car elle s’emploie à explorer la fonction et l’usage des signes, y compris les signes non langagiers : en mathématiques où l’on utilise des symboles – comme signes de la représentation d’un concept en même temps qu’outil pour faire des mathématiques avec ce concept – une analyse des interprétations de ces symboles s’avère d’un intérêt certain. On peut bien sûr considérer que des éléments de sémiotique seront utiles pour penser la construction de situations nouvelles que l’on souhaiterait entreprendre ; mais ils ne le sont pas moins pour comprendre l’interprétation des signes mathématiques et des signes de l’activité mathématique que les élèves sont amenés à montrer en classe ; et pour comprendre les sollicitations qu’a produit l’enseignant(e) dans le milieu, en termes de signes de ce que les élèves ont à faire de / en mathématique.

Une série de questions de recherche émerge donc de cette analyse sémiotique :

quel est le rôle des supports sémiotiques dans la construction et le fonctionnement des situations ?
Quels signes produit l’enseignant(e), comment ces signes interviennent-ils dans le milieu et comment sont-ils reliés ? institutionnellement ou personnellement ? au savoir mathématique ?
Comment les élèves sont-ils susceptibles de les interpréter, et que comprennent-ils du savoir mathématique qui est supposé représenté ?
Des élèves en difficulté ont-ils des déficits d’interprétation à ce niveau ?
Des étudiants en début d’études supérieures, peu familiers avec le langage formel des mathématiques, réajustent-ils leurs connaissances en fonction de la complexité des signes manipulés, et si oui comment ?

Ce sont ces questions qui sont actuellement l’un des axes de notre recherche : et ceci aussi bien sur les mathématiques du premier cycle universitaire que sur celles de SEGPA.

Jury :

M. Artigue, G. Brousseau, C.Margolinas, M.Rogalski, A.Rouchier, C.Winslow

HABILITATION Didactique des mathématiques soutenue le 23 novembre 2005 à 10h à l’université Paris 7, 175, rue du Chevaleret, salle 1C18 (1er etatge, plateau C, salle 18)