1. La formation des enseignants

Enseigner est un métier complexe, qui nécessite à la fois une formation initiale «  solide  », et, tout au long de la carrière, une formation continue qui complète cette formation initiale et qui tient compte des évolutions de la profession.

Cette formation (initiale et continue) comporte un certain nombre de volets, assez étroitement imbriqués  : connaissances et compétences disciplinaires, épistémologie et histoire des disciplines, didactique, utilisation des outils numériques, mais aussi sciences cognitives, pédagogie, psychologie, sociologie et connaissance du système éducatif. L’efficacité de la formation suppose de n’en négliger aucun.

Un concours seul ne nous paraît pas garantir une formation professionnelle de qualité. La validation d’un parcours de formation professionnelle de niveau master, au minimum, est indispensable, à condition que le parcours universitaire de chaque futur titulaire prépare réellement au métier d’enseignant.

La formation disciplinaire en mathématiques de tout enseignant de mathématiques doit être consistante  et adaptée à sa mission d’enseignement, étant entendu que tout professeur des écoles est un enseignant de mathématiques. De même, la formation de tous les professeurs doit inclure des notions indispensables de didactique des mathématiques, de pédagogie, d’épistémologie, etc.

4.1. La formation initiale et le recrutement

  1. a) Constats
  • La formation initiale actuelle des enseignants n’est pas satisfaisante. Elle ne les prépare notamment pas suffisamment à des aspects essentiels du métier, comme une maîtrise suffisante des mathématiques et le recul nécessaires à la capacité d’analyse de leur propre pratique.
  • La structure même du master, et ses contraintes administratives ne permettent pas une formation de qualité. La première année est essentiellement réduite à du « bachotage » (M1 et concours), et ne permet d’aborder que très modestement les aspects professionnels. La deuxième année est éclatée entre plusieurs exigences difficilement compatibles en un an : obtention d’un diplôme, responsabilité de classes à mi-temps, formation professionnelle à long terme avec sa validation, titularisation.
  • Actuellement, certains étudiants ayant réussi le concours deviennent fonctionnaires stagiaires sans avoir suivi le M1 MEEF.
  • De nombreux étudiants ne peuvent pas assumer financièrement quatre années d’études après le baccalauréat.
  • De nombreux étudiants qui se destinent à l’enseignement en école primaire n’ont plus fait de mathématiques depuis la classe de Seconde. Leurs connaissances en mathématiques se trouvent, de fait, insuffisantes pour l’exercice de leur métier.
  • Dans une moindre mesure, ce constat est également valable pour les futurs PLP Mathématiques-Sciences  physiques et pour les futurs professeurs qui enseigneront à la fois les mathématiques et l’informatique.
  • L’algorithmique et la programmation font désormais partie des programmes depuis le cycle 2. Le CAPES externe a désormais deux options : l’une dénommée «  mathématiques  », et l’autre «  informatique  ». L’Agrégation externe a aussi une option «  informatique  » depuis plusieurs années. D’autre part, des enseignants ont une formation ou une certification pour enseigner certaines options ou spécialités telles que ICN (Informatique et Création Numérique ; en Seconde et en Premières ES et L), SIN (Systèmes d’Information et Numérique, pour la série STI2D), SIG (Systèmes d’Information de Gestion, pour la série STMG), ISN (Informatique et Sciences du Numérique  ; en Terminale S) et SN (systèmes numériques en STS). Cependant, rien ne garantit que ces compétences puissent être prises en compte dans l’élaboration des services.
  • Le recrutement de professeurs de mathématiques pour le 2nddegré souffre depuis plusieurs années d’un manque de candidats de formation suffisante.
  • Lors des premières années d’enseignement en responsabilité, un certain nombre de professeurs sont en difficulté professionnelle, voire en souffrance.
  • Les enseignants chercheurs n’ont pas tous une formation à l’enseignement suffisante.
  1. b) Propositions et revendications
  • Développer, dans toutes les licences, et dès la première année, des modules optionnels préprofessionnels permettant d’appréhender progressivement le métier d’enseignant.
  • Développer également, dès la première année de licence, des « modules pluridisciplinaires » (équilibrant sciences et humanités) préparant au professorat des écoles.
  • Développer dans l’ensemble des licences de sciences physiques des modules de mathématiques pour les futurs PLP Mathématiques-Sciences
  • Placer en fin de licence les concours nationaux de sélection des futurs professeurs (professeurs des écoles, professeurs de lycée professionnel, professeurs de collège ou de lycée) et assurer ensuite aux étudiants lauréats de ces concours une formation professionnelle (au sens large) de deux ans, rémunérée, et validée par l’obtention d’un master «  enseignement  ».
  • Inclure dans cette formation des stages (d’observation, de pratique accompagnée, en responsabilité), de durée progressive. Affecter à chaque stagiaire un tuteur, enseignant dans le même établissement, formé à cette fonction d’accompagnement, et bénéficiant d’une décharge de service suffisante (de l’ordre de 15 %).
  • Préciser le cahier des charges national des masters MEEF, au sein de chacun des grands volets de la formation (discipline, didactique, pédagogie…).
  • Assurer à tous les futurs enseignants une formation à l’algorithmique et à la programmation, et donner une place significative à l’informatique mathématique dans les épreuves du CAPES (à la place du choix d’option actuel), du CAPLP et du CRPE.
  • Il nous paraît par ailleurs important de créer une Agrégation d’informatique.
  • S’assurer que les professeurs fonctionnaires auront bénéficié d’une formation suffisante (disciplinaire, didactique et pédagogique) et particulièrement ceux qui n’auront pas suivi de master MEEF.
  • Lors des deux premières années d’enseignement qui suivent la titularisation, accorder aux nouveaux titulaires une décharge de service d’environ 15  %, pour qu’ils bénéficient d’un complément de formation et d’un accompagnement spécifique. Ceci concerne également les nouveaux enseignants-chercheurs, notamment pour ce qui concerne la didactique des mathématiques et la pédagogie.

4.2. La formation continue

  1. a) Constats
  • Au vu de la complexité du métier d’enseignant et de son évolution, la formation initiale, quelle que soit sa qualité, reste insuffisante pour enseigner efficacement tout au long de la carrière.
  • Globalement, l’offre de formation continue des enseignants est actuellement très insuffisante (voire quasi-inexistante dans certaines académies), au regard de l’évolution du métier et de sa complexité. En particulier, trop peu de formations «  longues  » sont proposées, et trop de formations se limitent à des actions ponctuelles d’information à «  démultiplier  » ensuite par les participants.
  • L’algorithmique et la programmation ont pris de l’importance dans les programmes de tous les niveaux d’enseignement.
  • De plus en plus de «  formations à distance  » remplacent les formations «  en présentiel  », au détriment de l’aspect «  humain  » nécessaire à toute formation complexe.
  • Le plan d’ensemble des offres d’actions de formation proposées par l’Éducation nationale, mais aussi par divers organismes ou associations, manque de visibilité.
  • Les efforts de formation continue des enseignants (et notamment l’obtention de diplômes ou de certificats) ne sont pas assez encouragés, et sont trop peu reconnus dans l’avancement de leur carrière.
  1. b) Propositions et revendications
  • Développer nettement la formation continue de tous les enseignants dans le domaine de la didactique des mathématiques, et systématiser une formation continue «  disciplinaire  » adaptée. En particulier, garantir à tous les enseignants une formation continue dans les domaines qui pourraient apparaître dans de nouveaux programmes, sans oublier l’aspect essentiel d’une formation continue qui est de suivre les évolutions de la discipline.
  • Reconnaître et encourager la formation continue sous toutes ses formes (stages, colloques, séminaires, groupes de travail au sein des écoles et établissements ou au niveau départemental ou académique, préparations de masters, recherches universitaires, lectures…).
  • Évaluer l’efficacité des offres de formations (stages en présentiel, formations à distance, observations de classes, ressources pour l’autoformation…), notamment celles qui sont exclusivement à distance.
  • Rendre obligatoire et effective, pour tout enseignant, l’utilisation d’un «  crédit-temps  » réservé à la formation (au sens large du terme), d’une trentaine d’heures par an, cumulable, et pris en compte dans le temps de service. Dans ce cadre, chacun doit pouvoir choisir les contenus et modalités de sa formation (par exemple bénéficier de formations longues, diplômantes ou non).
  • Encourager les universités à créer ou à développer des masters et des formations spécifiques pour la formation initiale des enseignants formateurs (par exemple dans le cadre de la mention 4 des masters MEEF).
  • Accorder des décharges de service suffisantes pour les formateurs qualifiés, et favoriser leur formation continue, notamment au sein des IREM (Instituts de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques).
  • Créer un «  Institut national de la formation continue  », chargé notamment de diffuser les résultats des recherches universitaires (disciplinaires, épistémologiques, historiques, didactiques, pédagogiques) et de mettre en réseau tous les prestataires de formation (dont les IREM et les ÉSPÉ).
  • Dans le déroulement de carrière, reconnaître davantage l’obtention de diplômes universitaires ou de certificats professionnels, au moyen d’augmentations salariales, ou de réductions de temps de service, ou d’accès favorisés à certains postes.