La théorisation des phénomènes d’enseignement des mathématiques Thèse d’état 1986
Le résumé
La théorisation des phénomènes d’enseignement des mathématiques vise à permettre l’analyse , la production et le contrôle des moyens de faire approprier les mathématiques par les élèves.
a) Il s’agissait essentiellement dans cette thèse d’étudier l’enseignement de différents concepts mathématiques, et principalement les rationnels et les décimaux au niveau élémentaire. (les nombre naturels et leurs opérations, les probabilités et les statistiques avaient fait l’objet de travaux antérieurs)
Mais son ambition était de jeter les bases d’une théorie des situations didactiques, moyen
nécessaire à une approche scientifique des phénomènes d’enseignement des mathématiques.
b) Dans un premier temps, l’étude des situations d’apprentissage (le professeur étant
provisoirement exclu du processus) m’a conduit à proposer une typologie désormais classique: situations d’action, de formulation, de validation ou de preuve. Cette typologie s’appuie sur une hiérarchie de critères (systèmes en présence et leurs interactions, forme des connaissances, rôle et fonctionnement, mode d’apprentissage) et permet aussi bien la modélisation et l’analyse d’une activité observée que la création d’activités nouvelles et originales.
Cette hiérarchie de critères permet de préciser une signification des comportements cognitifs et socio-cognitifs de l’élève. En particulier, il lui correspond une typologie des statuts de la connaissance que l’on retrouve en épistémologie des mathématiques ainsi qu’une classification en niveaux de connaissance.
Cette modélisation permet de prévoir ce que l’élève « a intérêt » à modifier dans ses comportements devant une situation mathématique interprétée comme problème et de préciser les conditions qui lui permettent effectivement ces modifications. Les comportements observés sont des moyens de connaître, non seulement l’élève (objet de la psychologie), mais aussi les situations elles mêmes. Les connaissances visées tendent alors à s’articuler (suivant leur statut) selon les conditions de leur apparition à l’élève et non pas conformément à leur structure et à leur position dans le savoir actuel.
Malgré la complexité des phénomènes étudiés, ces travaux visent à constituer la Didactique des Mathématiques en un nouveau champ scientifique, et à conjuguer des apports très éloignés (tels que ceux de l’épistémologie, de la pédagogie, de la sociologie, et de la psychologie…) avec la réflexion mathématique en vue de la connaissance et de la conception de l’enseignement des mathématiques.
Ces modèles suggèrent des calculs qui permettent de prévoir les comportements des élèves, et surtout d’identifier les variables didactiques (variables qui modifient les connaissances nécessaires à la résolution). De nombreux chercheurs ont utilisé ces modèles et des montages didactiques qui en découlent à tous les niveaux scolaires.
c) J’ai mis en évidence le rôle des sauts de complexité dans l’apprentissage, ce qui m’a conduit ensuite à importer en mathématiques la notion d’obstacle épistémologique que Bachelard avait introduite pour expliquer la formation de l’esprit scientifique. Il a fallu pour cela indiquer des méthodes de recherche originales.
d) Cette approche systémique a permis
- de mettre en évidence les phénomènes d’obsolescence des situations didactiques et des savoirs, phénomènes très importants dont l’analyse a permis de préciser la notion de reproductibilité en didactique,
- d’étudier les interactions entre le maître et les élèves (situations de dévolution des problèmes et d’institutionnalisation, stratégies d’évitement).
Elle n’a permis d’expliquer de façon satisfaisante qu’une très faible partie des échecs électifs des élèves, que j’ai analysés de façon détaillée par des méthodes statistiques et cliniques (études de cas).
Elle a conduit toutefois à la mise en évidence des contraintes qui pèsent parfois jusqu’au paradoxe sur les relations du maître et de l’élève, et qui les contraignent à la fois à se lier en une sorte de contrat didactique, et à le rompre. L’étude du fonctionnement de ce contrat a permis de mettre en évidence divers phénomènes (certains ont marqué les réformes des
années 70) et a en proposer une explication.
- effets dits « Topaze » et Jourdain, effet de glissement métadidactique, abus de l’analogie…
- les transformations (volontaires mais surtout involontaires, à court et à long terme) des connaissances par l’activité d’enseignement, étude poursuivie et très profondément remaniée et élargie par Y. Chevallard dans « la transposition didactique »
- l’épistémologie spontanée des professeurs
e) les annexes présentent quelques unes des nombreuses applications de ces méthodes et de ces concepts à l’étude de l’enseignement de diverses questions de mathématiques (naturels, décimaux et rationnels, opérations, probabilités, géométrie, logique, etc…
L’annexe la plus importante est constituée par le compte rendu de l’expérimentation d’un processus d’enseignement des rationnels et des décimaux : 65 leçons, répétées dans 2 classes de CM2 pendant 10 ans.
f) On y trouve quelques innovations méthodologiques dont une pour améliorer l’usage de l’Analyse Factorielle des Correspondances dans les expériences. Il s’agit d’analyser à part l’espace des correspondances établies à priori entre les caractères (explicatifs) des questions posées aux élèves et les questions elles mêmes, le plongement (classique) de cet espace dans celui des observations permet alors d’apprécier les informations effectivement dues à la contingence et de les distinguer de celles que l’on connaissait à l’avance ou qu’on a introduites par le choix des questions.
La fiche signalétique de la Thèse
auteur(s)
Guy P. Brousseau
Laboratoire actuel 1 :
DAESL/LACES - Laboratoire cultures, éducation, sociétés,
Université Victor Segalen – Bordeaux II : EA4140 3bis Place de la Victoire 33000 Bordeaux France
titre Théorisation des phénomènes d’enseignement des mathématiques
date de soutenance
02/12/1986
résumé
L’enseignement est un champ d’études pour de nombreuses disciplines qui ne prennent chacune en charge qu’un de ses aspects particuliers, sans pouvoir assurer sa consistance avec les autres approches. L’auteur envisage ici les conditions qui permettraient une étude directe et scientifique – c’est-à-dire théorique expérimentale – du cœur de la relation d’enseignement dans ce qu’elle a de spécifique de la connaissance à transmettre. Il tente ainsi de prolonger la didactique classique, essentiellement normative, sous l’égide de l’épistémologie expérimentale et de l’anthropologie. Le but final reste de produire, améliorer, reproduire, décrire et comprendre les situations d’enseignement qui initient les élèves à l’activité et à la culture des mathématiciens. Le chapitre 1 montre sur un exemple – l’enseignement des rationnels et des décimaux – comment les concepts généraux permettent de classer les sources de questionnement, d’identifier certains phénomènes, de les expliquer, d’en tirer des problèmes précis concernant le type de situations dont l’élève doit prendre le contrôle pour s’approprier une connaissance correcte. Les renseignements que l’on retire de l’observation de la mise en œuvre de ces situations, constituent les bases d’une véritable épistémologie expérimentale. Le chapitre 2 est une étude du fonctionnement des situations didactiques du point de vue d’élèves en échec électif. Le chapitre 3 définit les concepts de base de la théorie des situations didactiques et présente une étude de leur consistance ainsi qu’une méthode de confrontation avec l’expérience ou l’observation Le chapitre 4 évoque quelques questions de méthodologie de la recherche en didactique et une méthode de contrôle de l’analyse factorielle des correspondances par l’analyse de l’espace explicatif. Le chapitre 5 montre deux applications possibles de la théorie dans l’étude de l’enseignement de l’énumération et de la géométrie. Les annexes présentent des études détaillées de certains aspects de ces travaux, en particulier la thèse de l’existence d’obstacles épistémologiques en mathématiques.
domaine
Mathématiques
Équipe(s) de recherche
COREM/ IREM
organisme de délivrance
Université Sciences et Technologies – Bordeaux I
référence interne
N° 894; Doctorat d’Etat ès sciences
langue
Français
président du jury
Pierre DAMEY
composition du Jury
Bernard Malgrange (directeur de la thèse)
Jean Colmez (co-directeur)
Jean Esterle (rapporteur)
Jean Dhombres (rapporteur)
Gérard Vergnaud (rapporteur)
mots-clés
Fondements de la didactique des mathématiques – épistémologie expérimentale – reproductibilité didactique – théorie des situations didactiques – rationnels – décimaux – échecs électifs – analyse factorielle des correspondances – obstacles épistémologiques
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